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Vérificateurs sans frontières

Vérificateurs sans frontières

Les Supremes étaient une formation musicale féminine des années 60 aux États-Unis, et la première publication de Motown Records, à Detroit. Le groupe a été la plus grande réussite commerciale de Motown. À son apogée au milieu des années 60, les Supremes rivalisaient de popularité avec les Beatles à l’échelle mondiale.

En anglais, le terme Supremes est également utilisé par les vérificateurs législatifs de façon facétieuse pour désigner les vérificateurs généraux partout dans le monde. Dans tous les pays, les bureaux nationaux de vérification sont des institutions supérieures de contrôle (ISC, ou Supreme Audit Institution en anglais). Au Canada, il existe une multitude de vérificateurs généraux – à l’échelle municipale, provinciale et fédérale –, mais seulement une ISC, à savoir, le vérificateur général du Canada.

Tout comme la formation musicale des années 60, les ISC peuvent secouer les démocraties parlementaires et les républiques démocratiques partout dans le monde. Ma relation avec une telle institution remonte à 1983 lorsque je me suis joint au Bureau du vérificateur général du Canada. Aujourd’hui, plus de 30 ans plus tard, je travaille encore pour une ISC, cette fois le Bureau de vérification du Guyana (AOG). Depuis les années 80, le Bureau du vérificateur général du Canada, par l’entremise de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, accueille des vérificateurs des anciens pays du Commonwealth à Ottawa à des fins de formation en vérification législative. L’actuel vérificateur général du Guyana, Deodat Sharma, est un diplômé de ce programme. La relation entre le Bureau du vérificateur général du Canada et l’AOG remonte à de nombreuses années.

Image: CESO Client, Mr. Deodat Sharma
Service d’assistance canadienne aux organismes (SACO) a reconnu l’importance critique de la création et du maintien d’une fonction efficace d’ISC au Guyana. En 2015, SACO a établi un partenariat quinquennal avec l’AOG dans le but de faciliter le transfert de connaissances, d’expérience et de méthodes des bureaux de vérification canadiens à l’AOG.

SACO se spécialise dans les interventions d’aide à court terme. Son approche consiste à bâtir un portefeuille de partenariats stratégiques avec des organismes comme l’AOG. Un(e) conseiller(ère) volontaire principal(e) (CVP) est sélectionné(e) pour chaque partenariat. Le rôle de cette personne consiste à élaborer un plan stratégique quinquennal, le plan d’action du partenariat (PPP), qui définit une série d’interventions de transfert des connaissances à court terme mutuellement avantageuses. Chaque intervention prend appui sur l’intervention précédente. Une fois le PAP approuvé par le partenaire et par SACO, le/la CVP assure le suivi des progrès, appuie les recruteurs de SACO dans le bureau principal à Toronto en trouvant des candidats pertinents et visite le partenaire sur le terrain tous les deux ans afin de suivre les progrès et de mettre à jour le PAP.

SACO n’exporte pas de connaissances, de technologies ou de méthodes canadiennes. Il s’agit plutôt d’une importation de connaissances canadiennes qui aide à trouver des solutions locales aux problèmes locaux. Dans ce département, SACO est relativement unique en son genre à l’échelle mondiale. Bien que SACO mène de nombreuses affectations au Guyana dans les secteurs du tourisme et des mines, l’affectation auprès de l’AOG est l’une de ses quelques affectations de gouvernance.

J’ai commencé à travailler avec l’AOG à l’automne 2013 lorsque j’ai aidé l’organisme à finaliser un rapport de vérification du rendement concernant l’offre de services médicaux. Je savais que je devrais comprendre les différences culturelles entre les politiques du Guyana et celles du Canada si je voulais adapter les techniques de vérification canadiennes dans le contexte de l’AOG.
Une fois sur le terrain au Guyana, j’ai été enchanté par les différences culturelles. J’étais dans un pays doté de deux patrimoines culturels aussi riches que distincts, un de l’Afrique et l’autre de l’Inde. Et cela sans compter les traditions chinoises, autochtones, musulmanes, portugaises et britanniques que compte ce pays. Le cours proposé sur la préparation des rapports de vérification a été éclipsé par les célébrations de Diwali, le Festival des lumières. J’ai fait ce que n’importe quel volontaire de SACO fait dans une telle situation – j’ai relaxé, j’ai improvisé et je me suis joint aux festivités.

Le bureau a fermé, et les employés ont préparé les plus savoureux caris que j’avais jamais goûtés, tous servis sur des feuilles de palmier. J’ai dansé, et deux ans plus tard, lorsque je suis arrivé pour préparer un programme de travail pour l’entente de partenariat quinquennal, mon contact principal, Dhanraj, m’a dit : « Dan, vous avez été sélectionné pour cette affectation parce que vous étiez le meilleur danseur étranger lors de Diwali ». J’en doute un peu…

Image: Guyana Local
Dès l’arrivée d’un(e) conseiller(ère) volontaire (CV) de SACO sur le terrain, il ou elle est immédiatement intégré(e) à un réseau de relations. Tout d’abord, il y a le/la représentant(e) pays (RP), qui a travaillé pour mettre en place une relation de confiance avec l’organisme partenaire pour lequel le/la volontaire travaillera. Il y a le personnel compétent et aidant du/de la RP. J’ai eu la chance de rencontrer la RP pour le Guyana, Ann Persaud, à Toronto, quelques mois avant mon départ pour le Guyana en tant que CVP.

Image: Local Guyana Market and CESO Client
Mais les affectations de SACO incluent bien plus que du travail. Bien sûr, le travail et l’offre d’une contribution significative sont au cœur de l’expérience, mais il y a bien plus que cela. Durant mon affectation de 2013 auprès de l’AOG, j’ai passé mes heures de dîner à me promener en voiture et à pied dans Georgetown avec Anthony, un des deux chauffeurs du bureau. J’allais aux quais avant le lever du soleil pour voir les pêcheurs étaler leurs prises sur le quai. Un autre jour, nous sommes allés au zoo.

Toutes les affectations de SACO sont basées sur un degré élevé de confiance entre le/la CV et les employés du partenaire avec lequel il/elle travaille et dont il/elle dépend, en dernière analyse, pour sa sécurité. Dans une affectation de SACO, on ne sait jamais ce qui nous attend au prochain virage. Après ces premières expériences de 2013, j’étais très heureux de retourner au Guyana en 2015. J’avais l’impression de retourner voir un vieil ami. Mon travail de préparation du PAP coïncidait avec le travail de l’AOG visant à mettre à jour son Plan stratégique. Nous avons combiné nos efforts et interviewé les intervenants clés ensemble. La compétence, le dévouement et le professionnalisme des cadres supérieurs que nous avons interviewés m’ont réellement impressionné. À la fin de l’exercice de planification, nous avons défini une série d’affectations brèves et ciblées qui visaient à permettre à l’AOG d’atteindre son plein potentiel en tant que modèle d’intégrité dans un pays au climat politique hautement polarisé. Une fois le PAP finalisé et approuvé, j’ai commencé à contacter des vérificateurs législatifs retraités pour voir si un mandat de service au Guyana pourrait les intéresser.

Image: CESO Volunteer Advisor, Dan Rubenstein and Partner

Mais l’expérience SACO se termine-t-elle avec le retour au Canada? Non, absolument pas. Chaque CV est un(e) ambassadeur(drice) de l’expérience SACO. Il ou elle partage son expérience avec ses amis et ses proches. Sa vie est enrichie, et il/elle voit son ancienne vie différemment. Les CV ont dorénavant des liens tout particuliers avec les Canadiens ayant des connexions culturelles ou familiales avec les pays dans lesquels ils ont servi.

Dans un pays multiculturel comme le Canada, l’expérience SACO aide les Canadiens à mieux comprendre et apprécier les origines de leurs concitoyens. À l’ère des villages mondiaux, ces perspectives enrichissent la vie de tous. Lorsque je regarde les nouvelles et que j’entends parler du Guyana, le nom a un impact immédiat sur moi. J’ai un lien émotionnel avec ce pays. Je peux imaginer l’impact sur mes amis guyaniens. Voilà pourquoi il y a une si grande différence entre une expérience touristique et une expérience de volontariat avec SACO.