Le rôle essentiel de la microentreprise dans l’économie canadienne et l’économie mondiale
Avec la récente publication de la politique d’aide internationale du gouvernement et le dialogue accru dans la sphère publique concernant le développement économique dans les milieux autochtones au Canada, j’aimerais brièvement parler de ce que j’estime être l’élément moteur du changement économique durable à long terme : les petites et moyennes entreprises (PME).
J’ai apprécié le fait que les Nations Unies proclament une journée en reconnaissance des MPME (le M correspondant à l’ajout du terme micro à l’acronyme PME), car peu importe la taille ou la force d’une économie, l’importance des PME pour stimuler la croissance économique et l’inclusion est incontestable.
Dans la réalité, le développement économique est bien sûr complexe, et les PME ne sont certainement pas l’unique pièce du casse-tête de la durabilité. Cependant, sans un environnement prospère pour les PME et un solide secteur privé, le développement demeure limité. Nos 50 années d’expérience dans ce domaine nous ont appris ce fait.
Les PME en chiffres
Il existe un nombre infini d’études soulignant l’importance des PME dans l’économie mondiale. Une simple recherche sur Google révèle des centaines de pages d’articles scientifiques, de statistiques et de données. Voici quelques-unes des statistiques qui suscitent mon intérêt :
- Les PME formelles constituent jusqu’à 40 % du PIB mondial et jusqu’à 60 % de l’emploi mondial
– Ces chiffres augmentent lorsqu’on inclut les estimations des PME du secteur informel
- La Banque mondiale estime qu’il y a de 365 à 445 millions de PME dans le monde
– Seulement près de 20 % de ces PME sont formelles (les autres font partie du secteur non structuré de l’économie)
– Les PME informelles sont présentes de manière disproportionnée dans les pays à faible revenu
- Les PME comptent pour deux nouveaux emplois nets sur trois dans le monde
Puisque les PME contribuent autant au PIB, elles influencent naturellement le taux de croissance possible d’une économie, mais elles ont également un effet sur la récession économique. La crise financière mondiale de 2008 et les années subséquentes de reprise ont massivement démontré l’effet débilitant de l’effondrement du secteur des PME pour toute économie. Partout au monde, les PME ont joué – et continuent de jouer – un rôle crucial dans la sortie de la crise financière et dans la santé de l’économie.
Le rôle des femmes dans le développement des PME
Presque tous les organismes de développement comme SACO le confirmeront, ce sont les femmes qui dirigent en majorité les petites et microentreprises, notamment dans les économies en développement. Cette connaissance factuelle est appuyée par d’innombrables études. Ces entreprises dirigées par des femmes comptent pour 31 à 38 % des PME formelles, mais il est clair, comme nous l’avons constaté dans les pays où nous œuvrons, que ce nombre augmente de façon exponentielle si l’on tient compte du secteur informel.
L’importance de l’émancipation économique des femmes est incontestable. D’abord, c’est un fait bien documenté que les femmes réinvestissent jusqu’à 90 % de leur revenu dans leur famille, comparativement à 35 % pour les hommes. Mais cet investissement ne se limite pas à la famille. Ces femmes participent à des activités axées sur la consommation, elles achètent des biens et des services des MPME locales (lesquelles appartiennent aussi souvent à des femmes), et stimulent ainsi de façon essentielle leur collectivité et leur économie locale. En conséquence, les propriétaires des PME peuvent utiliser leur revenu prévisible pour améliorer la santé et le bien-être de leur famille, et contribuer à leur tour à l’économie de la collectivité, et ainsi de suite.
Il s’agit de l’effet multiplicateur et les recherches montrent que les taux de réinvestissement à l’échelle individuelle et communautaire sont plus élevés lorsque les femmes sont économiquement émancipées.
Des obstacles : les compétences et le financement
Le développement des compétences et le financement sont deux obstacles auxquels font face les PME du monde entier. Toutefois, ces deux facteurs posent surtout des défis de taille dans les milieux en développement.
L’accès à l’éducation et à la formation peut assurer la réussite ou entraîner l’échec d’un projet d’entreprise, peu importe son stade d’avancement, même à l’étape du développement subconscient de l’esprit d’entreprise.
À titre d’exemple, en cours de mathématiques dans la classe de 8e année de mon fils, les élèves ont récemment participé à un exercice où ils devaient choisir un article ayant un potentiel de valeur ajoutée pour le revendre avec profit (maximiser la valeur d’un produit) à leurs compagnons de classe. Les élèves entrepreneurs qui ont obtenu le meilleur profit ont gagné un prix. C’était là une belle façon d’inclure au programme les bases de l’entrepreneuriat et des principes commerciaux, avant même que les élèves commencent leurs études secondaires. Que cet exercice pousse ou non mon fils à devenir un entrepreneur, cela reste à voir; mais le fait est que cela montre comment ces idées et ces concepts sont présentés aux Canadiens, dès leur jeune âge, dans le système scolaire public.
Le financement est une autre difficulté pour les PME. Environ 70 % des PME n’ont pas accès au crédit ou au capital, et la majorité de ces PME sont dirigées par des femmes. Les systèmes de crédit classiques ne sont pas toujours adaptés aux PME (surtout l’échelle de la microentreprise); ces entreprises sont habituellement trop petites pour les produits bancaires traditionnels et leurs besoins financiers sont souvent trop grands pour des systèmes à risque partagé par la famille ou la collectivité. Les systèmes de microcrédit offrent aux PME un nouveau moyen d’obtenir le financement indispensable, et servent (de façon presque disproportionnée) des microentreprises dirigées par des femmes.
Au Canada, les entrepreneurs autochtones sont confrontés aux mêmes problèmes de crédit et de capital, notamment les entrepreneurs qui vivent dans les réserves. Si ces entrepreneurs ne sont pas propriétaires fonciers ou s’ils n’ont tout simplement pas accès aux services bancaires traditionnels dans les communautés les plus reculées, il leur est extrêmement difficile d’obtenir des prêts bancaires pour leur entreprise. Il existe des programmes gouvernementaux de soutien aux entrepreneurs autochtones, mais il est souvent tout aussi difficile de remplir les conditions requises pour ces subventions et ces modèles de financement.
Favoriser la réconciliation et l’inclusion
En tant qu’organisme œuvrant en partenariat avec des communautés autochtones au Canada et ailleurs dans le monde, nous avons appris au cours de nos 50 années dédiées au développement économique qu’il est essentiel de mettre en place une infrastructure économique solide pour qu’il y ait des changements durables et une croissance inclusive, y compris pour mettre fin à la pauvreté. Une des façons d’y arriver est de renforcer le secteur privé et, notamment, de créer un environnement propice à la prospérité des PME.
Au Canada, le fait de mettre l’accent sur le développement économique peut avoir un autre rôle important. Je suis tout à fait d’accord avec la position du Conseil national de développement économique des Autochtones (CNDEA) selon laquelle le développement économique est le fondement d’une vraie réconciliation. Comme le souligne le CNDEA, le développement économique est le lien qui permet à de nombreux groupes (le gouvernement, les Peuples autochtones, le secteur privé et les individus) de travailler ensemble pour reconstruire une relation brisée depuis fort longtemps, aplanir les disparités et bâtir une économie canadienne plus forte et plus inclusive. En fait, le CNDEA a démontré dans son rapport de 2016 que l’élimination des écarts entre les Canadiens autochtones et non autochtones se traduirait par une hausse du PIB canadien de 27,7 milliards $ par année. Point peut-être plus important, 175 000 Autochtones sortiraient de la pauvreté et cela ajouterait littéralement des milliards de dollars en revenus d’emploi (nouveaux et actuels) gagnés par les Autochtones. Ce sont là des résultats économiques qui devraient tous nous tenir à cœur.
Wendy Harris est présidente et directrice générale de SACO
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